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En procédure pénale, l'assignation à résidence avec surveillance électronique est une mesure introduite par la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dite "Pénitentiaire".

En procédure administrative, l'assignation à résidence est une mesure introduite par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence.

Ces deux procédures ont en commun de légaliser une mesure de restriction de la liberté d'aller-venir.

Pour autant sont-elles réellement identiques ?

Pour apporter une réponse, nous aborderons dans une première partie la procédure judiciaire pour ensuite dans une seconde partie la distinguer de la procédure administrative.

I- L'assignation à résidence prononcée par le juge judiciaire

A- Ordre donné par le juge judiciaire

1- Sous conditions

Les articles 142-5 et s du code de procédure pénale prévoient que :

L'assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par ordonnance motivée, avec l'accord ou à la demande de l'intéressé, par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans ou une peine plus grave.

Elle est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder 6 mois. Elle peut être prolongée pour une même durée sans dépasser deux ans.

L'intéressé doit être en attente de son procès dans le cadre d'une convocation par procès verbal ou d'une comparution immédiate.

2- Effets

Article 142-5 al 2 et suivants "Cette mesure oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.

Cette obligation est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l'aide du procédé homologué à cet effet par le ministre de la justice. Elle peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile, à l'aide du procédé intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l'ensemble du territoire national.

En cas de non-respect des obligations, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention en vue d'une placement en détention provisoire.

B- Alternative à l'incarcération

1- Assimilation à la détention provisoire

  • "L'assignation à résidence avec surveillance électronique ne peut, au cours de l'information, notamment pour l'application des délais prévus à l'article 175 du code de procédure pénale, être assimilée à la détention provisoire, dont elle constitue une alternative" (Crim 17 mars 2015 n° 14-88310).

Pour autant, dans deux arrêts du 18 août 2010, la chambre criminelle précise que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article 144 CPP et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique.

C'est pourquoi, encourt la cassation l'arrêt qui confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant une demande de mise en liberté aux motifs que "la détention provisoire est l'unique moyen d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes et une concertation frauduleuse entre le mis en examen et ses coauteurs ou complices, ainsi que de prévenir le renouvellement de l'infraction ; que les juges du second degré ajoutent que ces objectifs ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire"

en prononçant ainsi, sans s'expliquer, par des considérations de droit et de fait, sur le caractère insuffisant de l'assignation à résidence avec surveillance électronique, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé" (pourvois no 10-83.770 et 10-83.819). 

2-  Mesure autonome et distincte du contrôle judiciaire

Avant la loi du 24 novembre 2009 no 2009-1436 le placement sous surveillance électronique ne constituait qu’un des modes d’exécution d’une des obligations susceptibles d’assortir le contrôle judiciaire.

Le placement ou le maintien en détention provisoire ne devait être justifié que par rapport à la seule alternative que constituait le contrôle judiciaire.

Dès la publication du décret d'application de la loi, la détention provisoire ne peut être prononcée que si elle constitue l'unique moyen de :

  • Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
  • Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
  • Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
  • Protéger la personne mise en examen ;
  • Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
  • Mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ;
  • Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l'affaire. Toutefois, le présent alinéa n'est pas applicable en matière correctionnelle (art 144 cpp).

A défaut, le juge doit prononcer le placement sous contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique (art 144 CPP).

II- L'assignation à résidence prononcée par le pouvoir administratif

A- Ordre donné par le pouvoir exécutif

1- L'autorité administrative : le ministre de l'intérieur

L'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 prévoit que : 

"Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. Le ministre de l'intérieur peut la faire conduire sur le lieu de l'assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie".

Il est prévu une délégation de pouvoir au profit du préfet territorialement compétent. 

"Le procureur de la République compétent est informé sans délai de toute mesure d'assignation à résidence, des modifications qui y sont apportées et de son abrogation".

2- L'acte administratif individuel : par voie d'arrêté

Pour illustrer nous nous aiderons de l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 3 mai 2017 (n° 16-86155) :

Les juges rappellent les faits :

"le 22 juillet 2016, le ministre de l’intérieur a pris, au visa, notamment, de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l’état d’urgence, deux arrêtés d’assignation à résidence visant MM Y... et X..., lesquels ont été notifiés aux intéressés ; que ces arrêtés ont astreint M. X... et M. Y..., d’une part, à résider, le premier sur le territoire de la commune d’[...] et le second sur celle de [...] , chacun ayant, en outre, obligation de demeurer à une adresse déterminée pour la nuit selon un horaire précis, d’autre part, à se présenter quotidiennement, à heures fixes, à l’hôtel de police de [...].

Le 19 juin 2017, le juge des référés du Conseil d'Etat confirme la suspension de deux prolongations à résidence ( CE ord 19 juin 2017 n° 411587).

En l'espèce, les assignés à résidence depuis le 23 décembre 2015 ont vu leurs privations de libertés renouvelées périodiquement :

  • Le 20 décembre 2016, pour trois mois au-delà de la période d’un an qui constitue en principe la durée maximale.
  • Le 20 mars 2017, pour trois mois.

Le juge des référés du tribunal administratif de L a suspendu ces nouvelles prolongations.

Le ministre de l’intérieur a fait appel de ces ordonnances devant le juge des référés du Conseil d’État.

Pour confirmer cette suspension et rejeter les appels de l'autorité administrative, le juge constate que le ministre de l'intérieur ne produit aucun élément nouveau ou complémentaire postérieur au 20 mars 2017 de nature à établir la persistance de la menace.

Le juge administratif se conforme à la décision du Gardien de la Loi fondamentale. Dans sa décision du 16 mars 2017 n° 2017-624, le Conseil constitutionnel demandait à l'autorité administrative de préciser les éléments suivants lorsque l'assignation à résidence est prolongée au-delà d'un an :

  • Démonstration d'un comportement menaçant la sécurité et l'ordre public
  • Démonstration d'une menace d'une particulière gravité
  • Démonstration de nouveaux éléments ou complémentaires
  • Prise en compte de la totalité de son placement à sous assignation à résidence.

B- Le contrôle de légalité par le juge pénal

1- Vérification dans le cadre d'un procès pénal

L'art 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce :

"Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression".

L'article 111-5 du code de procédure pénale précise :

"Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis".

Dans l'arrêt n° 16-86155, la chambre criminelle de la Cour de cassation précise que le premier texte "commande au juge pénal, lorsqu’il envisage, dans un cas prévu par la loi, de prononcer une peine privative de liberté à l’encontre d’une personne poursuivie au seul motif qu’elle s’est soustraite à l’exécution d’un acte administratif la concernant, de s’assurer préalablement que l’obligation dont la violation est alléguée était nécessaire et proportionnée".

2- Vérification du fondement de la décision administrative

Dans la décision du 3 mai 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle la compétence du juge pénal pour apprécier la légalité des assignations à résidence décidées dans le cadre de l'état d'urgence.

En l'espèce, le ministre de l'intérieur avait pris deux arrêtés d'assignation à résidence motivés au regard de la gravité de la menace terroriste sur le territoire national.

Les deux "assignés" se sont soustraits à leurs obligations. Bien que relaxés par les premiers juges pour exception d'illégalité des assignations à résidence, la Cour d'appel infirment ces jugement aux motifs que ces actes administratifs avaient été motivés "par référence à des éléments factuels, dont l’autorité administrative a déduit l’existence de raisons sérieuses de penser que le comportement des intéressés constituait une menace pour la sécurité et l’ordre publics sous le régime de l’état d’urgence".

Or, il revenait au juge répressif  compétent pour apprécier la légalité des arrêtés d’assignation à résidence, de répondre aux griefs invoqués par le prévenu à l’encontre de cet acte administratif, sans faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé et en sollicitant, le cas échéant, le ministère public afin d’obtenir de l’autorité administrative les éléments factuels sur lesquels celle-ci s’était fondée pour prendre sa décision.

La cassation est encourue de ce chef.

 

Rappelons qu'au travers l'autorité administrative, il s'agit de prévenir alors qu'au travers de l'autorité judiciaire, il s'agit de réprimer.

 

Tag(s) : #Droit pénal, #Droits libertés fondamentaux
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