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L'arrêt Dame Lamotte du Conseil d'État le 17 février 1950 a considéré l'existence en droit administratif français d'un principe général du droit en vertu duquel toute décision administrative pourrait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (REP), peu importe qu'il y ait ou non un texte qui le prévoit.

Pour autant, l’article R 741-12 du Code de justice administrative précise que :

  • Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros.

Est abusive, pour le juge administratif, la requête qui instrumentalise le prétoire, peu important les fins poursuivies :

Conseil d'Etat, du 3 novembre 2004 n° 273369 : "Considérant que sous couvert d'une prétendue demande d'interprétation de l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 18 octobre 2004, M. X a mis en cause dans des termes diffamatoires et qui en conséquence n'ont pas été repris dans l'analyse de sa requête, l'indépendance du signataire de cette ordonnance ; que la présente requête revêt un caractère abusif ; qu'il y a lieu pour ce motif d'infliger à son auteur une amende d'un montant équivalent en francs CFP à la somme de 1 500 euros".

Afin de sécuriser les autorisations d’urbanisme et les constructions existantes, la réforme intervenue avec la loi ENL de 2006, unifie les règles de retrait des autorisations d’urbanisme. Le délai contentieux est maintenu à deux mois selon conditions.

Deux arrêts sont l'occasion d'aborder le contentieux liés aux permis de construire (Aucun commentaire de ces arrêts) :

  • Conseil d’Etat daté du 9 novembre 2018, n°409872 : Le délai raisonnable en urbanisme
  • CAA Bordeaux daté du 15 novembre 2018 n°16BX03080.

La première affaire concerne un tiers qui demande au tribunal administratif d'annuler :

L'arrêté du 6 novembre 2007 par lequel le maire, agissant au nom de l'Etat, octroie un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle aux pétitionnaires,

Le refus implicite opposé au requérant par la Commune au recours gracieux contre cet arrêté.

Par jugement du 15 février 2017, le tribunal administratif rejette à son tour la demande en retenant :

  • Le permis de construire a fait l'objet d’un affichage pendant une période continue de deux mois conformément aux dispositions de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme,
  • L'affichage est constaté par procès-verbal d'huissier le 15 novembre 2007,
  • La non-conformité de l'indication des délais de recours figurant sur le panneau d'affichage du permis litigieux au regard de l'ensemble des obligations respectées des articles R600-2, R424-15, A424-17 du code de l'urbanisme permet de constater que le recours pour excès de pouvoir est présenté hors délai raisonnable à compter du premier jour de la période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

Les requérants forment un pourvoi.

Question :  

  • Le défaut d'affichage de la mention des voies de recours à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme permet-il à un tiers d'intenter un recours au delà des deux mois du délai de recours initial ?

Pour le Conseil d'Etat, cette appréciation de la continuité de l'affichage par le TA opposée à l'absence d'un moindre élément à l'appui des allégation du requérant est conforme à la règle de droit.

Afin de sécuriser les autorisations d'urbanisme, il confirme qu'un permis de construire dont l’affichage est incomplet ne saurait être contesté indéfiniment. Le requérant doit agir dans un délai raisonnable. 

Pour la seconde affaire, par arrêté du 28 avril 2010, le maire, statuant au nom de l'Etat, refuse la délivrance d'un permis de construire pour l'édification d'une stabulation pour bovins sur le territoire de sa commune. Demande initiale de permis de construire déposée le 22 décembre 2009.

Par jugement du 16 février 2012, le tribunal administratif, sur saisie de la pétitionnaire, annule cette décision et enjoint à l'autorité de statuer à nouveau.

Par arrêté du 5 juin 2012, suite à un différent, c'est le préfet du département qui délivre ledit permis. 

Les requérants agissant en qualité de propriétaires de terrains et bâtiments voisins du projet demandent au TA d'annuler le permis de construire délivré à l'exploitation agricole à responsabilité limitée".

Par un jugement du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de L fait usage de l'article L600-5-1 du CU pour surseoir à statuer pendant un délai de trois mois sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 5 juin 2012 pour permettre la notification au tribunal d'un permis de construire modificatif destiné à régulariser le vice tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme.

Par un arrêté du 2 juin 2016, le préfet concerné délivre à la pétitionnaire un permis de construire modificatif à la suite du dépôt d'une demande en ce sens le 5 mars 2016.

Les demandes des requérants feront l'objet d'un second rejet par jugement daté du 8 juillet 2016. Ce qui les incitera à interjeter appel :

Question :

  • Le permis de construire modificatif est délivré qu'après le délai imparti par le juge. Ce dépassement entache-t-il d’irrégularité ou à faire obstacle à la régularisation du vice constaté dans le jugement avant dire droit ?

Réponses de la cour d'administrative d'appel :

Elle relève tout d'abord que l'art L600-5-1 du CU n'octroie aucune sanction du non-respect du délai prescrit par le juge de régulariser le permis de construire.

C'est pourquoi, elle se devait simplement de vérifier si la régularisation du vice qui entachait le permis initial avait disparu écartant ainsi le moyen des requérants.

Écartant le moyen tiré de ce que le permis modificatif avait été produit après expiration du délai de trois mois fixés par les premiers juges, la cour a ensuite apprécié si le permis modificatif avait régularisé le vice qui a entaché le permis initial.

Dans la première affaire, les Juges considèrent que le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce qu’un tiers voisin puisse contester indéfiniment un permis de construire. Il y a lieu d'appliquer le principe de délai raisonnable en cas de défaut d’affichage de la mention des voies et délais de recours.

Dans la seconde affaire peut importe que le délai imparti par le juge pour régulariser un permis de construire soit dépassé dès lors que le vice a disparu lors de l'étude du permis modificatif.

Nous pouvons en conclure à une primauté de la sécurité juridique des actes administratifs.

I- LA PRIMAUTÉ DE LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES AUTORISATIONS D'URBANISME

La consécration du délai raisonnable de recours contre une autorisation d’urbanisme permet une articulation de ce délai d’un an avec le délai de six mois de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme.

Rappelons quelles sont les actions soumises à autorisation de l'Etat (A) pour ensuite confirmer qu'un recours dirigé contre elles sera neutraliser au regard d'un délai raisonnable pour la saisie du Juge.

A- La soumission des actions de construire à autorisation de l'Etat

1- Constructions

Code de l'urbanisme : articles L421-1 à L421-9 :

Les constructions, même ne comportant pas de fondations,

La construction d'une piscine découverte de plus de 100 m², ou sans condition de superficie, une piscine dont la couverture dépasse 1,80 m de hauteur. En dessous, une déclaration préalable de travaux est nécessaire.

Certains travaux exécutés sur des constructions existantes :

Article R*421-14 CU 

- Les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés ;

- Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 ;

- Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ;

- Les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4.

Pour l'application du c du présent article, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal.

2- Travaux

Article *R421-16

Tous les travaux portant sur un immeuble ou une partie d'immeuble inscrit au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires et des travaux répondant aux conditions prévues à l'article R. 421-8.

B- La soumission du recours à un délai raisonnable

1- L'affichage et les mentions obligatoires

Aux termes de l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme, le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15.

L'article A424-17 précise que :

Le panneau d'affichage comprend la mention suivante :

" Droit de recours :

" Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme).

" Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d'irrecevabilité, être notifié à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l'urbanisme).

2- Le délai raisonnable au regard du principe de sécurité des autorisations d'urbanisme

En principe, le délai de recours court "à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain" art R600-2 CU.

Cette continuité est constaté par acte d'huissier. Officier ministériel, l'établissement du procès-verbal de constatation est considéré rédigé de façon neutre et incontestable.

L'art R600-3 prévoit une garde fou en relevant qu'"aucune action en vue de l'annulation d'un permis de construire ou d'aménager ou d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable n'est recevable à l'expiration d'un délai de six mois à compter de l'achèvement de la construction ou de l'aménagement.

Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de la déclaration d'achèvement mentionnée à l'article R. 462-1".

Un jugement du 15 février 2017 du tribunal administratif de Versailles avait déjà limité le délai dans lequel un tiers peut intenter un recours contre un permis de construire en l’absence d’affichage sur le terrain (Tribunal administratif de Versailles, 15 février 2017, requête n°1402665)

La décision du Conseil d'Etat permet de compléter cet arsenal réglementaire et de confirmer le jugement précité afin de sécuriser l'autorisation d’urbanisme et de "réduire ainsi "l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours abusifs susceptibles de décourager les investissements" (DC QPC du 10 novembre 2017 n°2017-672)..

D'ailleurs l'arrêt Czabaj avait permis au Conseil d’Etat de mettre en exergue le principe de sécurité juridique faisant obstacle à ce qu’une décision administrative individuelle – qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification – puisse être contestée indéfiniment et ce quand bien même ladite décision ne respectait pas l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours (CE Ass. 13 juillet 2016 Czabaj, req. n° 387763).

II- LA PRIMAUTÉ DE LA DISPARITION DU VICE POUR LE MAINTIEN DU PERMIS MODIFICATIF 

Lorsqu'un permis de construire est en cours de validité, les modifications mineures des travaux initialement peuvent faire l'objet d'un permis modificatif. La demande ne peut se faire que si la déclaration d'achèvement des travaux n'a pas encore été délivrée. A défaut, il s'agirait d'une nouveau permis de construire.

A- Le régime de la nature et de l’ampleur des modifications susceptibles de relever d’un simple « modificatif »

1- Le respect de l’économie générale du projet primitif pris dans sa globalité

Article L600-5 CU

  • Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.

Article L600-5-1 CU

  • Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

La régularisation doit impliquer des modifications de caractère limité et ne pas remettre en cause la conception générale ni l'implantation des constructions.

C'est ainsi que la cour administrative d'appel a jugé que :

  • La régularisation du vice relevé conduirait à un déplacement au minimum d'environ quatre mètres du bâtiment B, jusqu'à la limite séparative latérale la plus proche. Ce qui remettrait en case l’implantation de la construction.
  • "qu'ainsi, même si l'illégalité résultant de la méconnaissance de l'article UA 7.4.1 affecte une partie identifiable du projet, cette illégalité ne peut être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif ; qu'en conséquence, en se bornant à prononcer une annulation seulement partielle du permis de construire tacite en litige, le tribunal administratif de Lyon a méconnu son office ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé" (CAA. Lyon, 5 juin 2014, req. n°13LY01518).

Toutefois, le Conseil d'Etat a remis en cause cette analyse en estimant que :

  • "En déduisant de ce déplacement que le vice ne pouvait être régularisé par la délivrance d'un permis modificatif, sans rechercher s'il était de nature à remettre en cause la conception générale du projet, la cour a commis une erreur de droit" (CE du 30 décembre 2015, req. n°375.276).

Ainsi pour l'application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le juge administratif doit apprécier si le vice qu'il a relevé peut être régularisé par un permis modificatif que si :

  • Les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés,
  • Les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne remettent pas en cause sa conception générale.

A ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que son implantation, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'elles fassent l'objet d'un permis modificatif.

2- Une construction inachevée

Il nous revient de dissocier l’existence matérielle d’une construction de son existence juridique. Pour ensuite se persuader de l'obligation de construction achevée ou non pour l'octroi d'un 'modificatif".

Une construction physiquement existante n’aura aucune réalité juridique dès lors qu’il aura été construit sans l’autorisation d’urbanisme ou en méconnaissance de l’autorisation obtenue (CE. 5 mars 2003 req. n°252.422).

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé que les travaux projetés sur les façades d’un ouvrage construit sans avoir obtenu le permis de construire requis à cet effet ne relevaient pas de la déclaration de travaux préalable mais devaient faire l’objet d’un permis de construire portant sur l’ensemble de l’immeuble illégalement réalisé (CE. 30 mars 1994 req. n°137.881).

L'article R424-17 énonce que :

  • Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue.
  • Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année.
  • Les dispositions du présent article sont applicables à la décision de non-opposition à une déclaration préalable lorsque cette déclaration porte sur une opération comportant des travaux.

L'article L.480-4 al.-3-1° précise que l’inachèvement d’une construction ne peut être constitutif d’une infraction que s’il consiste en "l’inexécution, dans les délais prescrits, de tous travaux accessoires d’aménagement ou de démolition imposés" par les autorisations prévues par le Code de l’urbanisme.

Pour les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme lisons un arrêt du Conseil d'Etat du 22 février 2017. Il précise que ces dispositions ont pour objet de permettre au juge administratif de surseoir à statuer sur une demande d'annulation d'un permis de construire lorsque le vice entraînant l'illégalité de ce permis est susceptible d'être régularisé par un nouveau permis. La faculté de régularisation ainsi ouverte n'est pas subordonnée à la condition que la construction faisant l'objet du permis attaqué, dès lors qu'elle est légalement possible, n'ait pas été achevée (CE 22 février 2017 req n° 392998).

B- La distinction permis modificatif et permis nouveau

1- La requalification du permis nouveau en permis modificatif par le juge

  • Des modifications apportées au projet de construction d'un hall de stockage industriel, qui sont sans influence sur la conception générale du projet initial, peuvent faire l'objet d'un permis modificatif et ne nécessitent pas l'octroi d'un nouveau permis.

Si le règlement du P.O.S., entré en vigueur postérieurement à la date de délivrance du permis de construire initial ne permettait plus, à la date à laquelle le préfet a refusé le permis modificatif, la construction d'un hall de stockage industriel sur le terrain du demandeur, le préfet ne pouvait légalement, sans méconnaître les droits que tenait l'intéressé du permis de construire antérieurement délivré et devenu définitif, lui refuser pour ce motif l'autorisation d'apporter au projet des modifications qui, ayant notamment pour objet de réduire la surface du bâtiment, ne portaient pas à la nouvelle réglementation d'interdiction de construire une atteinte supplémentaire par rapport à celle résultant du permis initial. (CE Section, 26 juillet 1982, Le Roy, req. n° 23604).

2- La requalification d'un permis modificatif en permis nouveau par le juge

  • A la date du 20 septembre 1982, à laquelle M. G. a demandé la délivrance d'un permis de construire pour adjoindre une véranda à la maison d'habitation qu'il avait fait construire par la Société "Les maisons Goëland" à Plérin (Côtes-du-Nord) en vertu d'un précédent permis de construire du 12 février 1980, la construction de ladite maison était entièrement terminée. Dès lors, même si l'adjonction de la véranda en limite séparative de parcelle avait pour but de tenter de régulariser, au moins partiellement, l'implantation de la maison principale à une distance insuffisante de ladite limite, et si elle avait été formulée pour un "permis de construire modificatif", la demande devait être regardée comme tendant en réalité à la délivrance d'un nouveau permis de construire, et sa légalité devait être examinée en elle-même. Les dispositions de l'article UC 7, 3°, c du règlement du plan d'occupation des sols de Plérin autorisent l'implantation en limite séparative, en dehors de marges de recul prévues au plan, de "bâtiments annexes de faible importance non destinés à l'habitation et dont la hauteur n'excède pas trois mètres au faîtage". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le plan ait prévu une marge de recul par rapport à la voie concernée. Il n'est pas contesté que la construction prévue respectait les autres dispositions précitées. Dès lors, si la réalisation de la construction annexe envisagée n'était pas de nature à régulariser l'implantation irrégulière de la construction principale, l'arrêté du 29 octobre 1982 refusant le permis de construire sollicité était illégal (CE, 23 septembre 1988, Société Les Maisons Goëland, req. n° 72387).

Article L600-2 du CU

Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire.

 

Supplément : Le tiers requérant et l'intérêt à agir

L’intérêt à agir contre un permis de construire fait l’objet d’une définition légale depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme.

Question : Une présomption d’intérêt à agir pour le voisin ?

L'article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :

  • "Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation".

Par un arrêt du 10 février 2016, le Conseil d'Etat précise la portée de cette définition de l'intérêt à agir :

  • "Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; qu'il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci".

Conclusion : Application en l'espèce de cette disposition

  • La simple justification de "propriétaires de biens immobiliers voisins directs à la parcelle destinée à recevoir les constructions litigieuses ",
  • La simple fourniture de pièces démontrant la mitoyenneté de leurs parcelles avec celle du projet litigieux, la situation sommaire des parcelles avec la simple mention : " façade sud fortement vitrée qui créera des vues "

sont insuffisantes à démontrer l'intérêt à agir contre le permis de construire litigieux (CE 10 février 2016 n°387507, P. c/ Commune de Marseille).

La Haute cour du contentieux administratif sonne le glas de la présomption de l'intérêt à agir pour le voisin.

La justification de l'intérêt pour agir suppose donc la démonstration, de manière circonstanciée, de l’atteinte alléguée. La charge de la preuve pèse sur le requérant conformément aux principes du recours pour excès de pouvoir. 

Tag(s) : #Droit urbanisme
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