Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dans le dessein d'échapper à une saisie immobilière notamment par son ou ses créanciers, le débiteur pourrait être tenté de se rendre insolvable ou de diminuer la valeur de son patrimoine par la sortie frauduleuse de son bien.

Afin de protéger le créancier lésé, le législateur lui propose une action judiciaire : l'action paulienne. 

Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile en date du 7 décembre 2017 est l'occasion d'aborder cette procédure au même titre que les conditions de l'appel contre un jugement d'orientation rendu par le juge de l'exécution (Cass. 2e civ., 7 déc. 2017, n° 16-19336).

Le 1° octobre 1999, une reconnaissance de dette est souscrite, sous seing privé, entre la SCI C, propriétaire de l'ensemble immobilier, et M A, le bénéficiaire.

Avec prise d'effet au 1° octobre 2004, un bail commercial est signé entre la SCI C et la société Y. Il est assorti d'une promesse unilatérale de vente avec levée d'option au plus tard le dernier jour ouvré du mois de septembre 2007.

La validité de la promesse de vente est remise en cause devant le TGI.

Par un arrêt rendu le 14 février 2013, la Cour d'appel dit la vente résultant de cette promesse parfaite.

Le 26 avril 2013, un acte notarié réitère la reconnaissance de dette.

Le 3 septembre 2014, agissant en vertu de cet acte, M A fait délivrer à la SCI un commande de payer aux fins de saisie immobilière.

Après avoir déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Y, le juge de l'exécution ordonne la vente forcée des droits et biens immobiliers en cause.

La société Y interjette appel par remise manuelle au greffe de la requête aux fins d’assigner à jour fixe. L'appel aux fins de reconnaissance d l'action paulienne de la société Y est déclaré recevable. 

La Cour d'appel juge que la créance de M A n'est ni liquide ni exigible ce qui emporte inopposabilité de la reconnaissance de la dette du 1° octobre 1999, de l'acte de réitération du 26 avril 2013, à la société appelante.

Dès lors est prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie et sa caducité à défaut d'immeuble disponible.

M A forme un pourvoi en cassation.

Questions :

  • Y-a-il exigence de la communication électronique de la requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe ?
  • La reconnaissance de dette prime-t-elle sur la vente ?

Par un arrêt de rejet, la Cour de cassation confirme dans un premier temps la recevabilité de l'appel en rappelant que l'art 930-1 du Code de procédure civile prévoit que seuls les actes de procédure destinés à la Cour d'appel doivent être remis par voie électronique.

Dans un second temps, elle approuvera la Cour d'appel qui a retenu l'existence d'une fraude destinée à mettre en échec les droits de la société Y au regard notamment des liens de parenté entre les associés de la SCI C et M A.

I- La validité de l'acte de saisine du premier président de la Cour d'appel

A- L'appel du jugement d'orientation du JEX

1- Principe

En matière de saisie immobilière, on peut former appel de la décision du juge de l’exécution, seul compétent pour statuer sur les contestations en la matière, pour différents motifs tels que la contestation du montant de la créance, le refus de conversion de la vente judiciaire en vente amiable…

Le délai est de 15 jours à compter de la signification du jugement par huissier (date indiquée en tête de l’acte de signification du jugement - Augmenté éventuellement des délais de distance). Le point de départ de ce délai est le jour de la réception de l’acte de signification. Le recours doit être formé par déclaration au greffe de la Cour d’appel dans le ressort duquel est situé le bien. Le recours à un avocat est obligatoire.

L'article 930-1 du Code de procédure civile précise que :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur".

En l'espèce, l’appel formé contre le jugement d’orientation ne peut être relevé que selon la procédure à jour fixe.Mettant un terme aux interrogations relatives à la forme de la transmission de cette requête, la Cour de cassation écarte la mise en œuvre de l’article 930-1 du Code de procédure civile.

2- Exception 

M A produit la signification du commandement de payer valant saisie au débiteur du 3 septembre 2014. En vertu d'un droit de suite, la saisie peut être pratiquée entre les mains du tiers détenteur qui serait dès lors la société Y.

 Le juge de l’exécution a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers en cause. ​​

Les articles R 311-7 et R 322-19 du code des procédures civiles d’exécution obligent à former l’appel du jugement d’orientation dans les quinze jours de sa notification et selon la procédure à jour fixe décrite aux articles 917 et suivants du code de procédure civile.

Dès lors l’appel sera jugé selon la procédure prévue à l'article 905 du Code de procédure civile.

Et ce, à peine d'irrecevabilité relevée d'office : Cass 2Civ 7 sept. 2017 n° 16-19.203

"Mais attendu que l’appel des jugements rendus à l’audience d’orientation par le juge de l’exécution relève de la procédure à jour fixe en application de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution ; 

Et attendu que c’est à bon droit, et hors de toute dénaturation, que la cour d’appel a déclaré irrecevable l’appel du jugement rendu par le juge de l’exécution à l’audience d’orientation, qui n’avait pas été formé selon cette procédure".

Pour autant, l’autorité de la chose jugée attachée à la décision d’irrecevabilité faute d’avoir agi selon les règles de la procédure à jour fixe ne fait pas obstacle à un nouvel appel se conformant à ce formalisme et interjeté dans le délai légal (Cass 2civ 7 sept 2017 n° 16-16.847)

L’irrégularité de la signification n’emporte de conséquences que sur le seul délai d’appel, à l’exclusion du délai de huit jour qui suit pour introduire la requête à fin de jour fixe.

Pour écarté l'application de l'art 930-1 du Code de procédure civile, la Cour de cassation estime : 

  • "qu’il résulte des dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile que seuls les actes de procédure destinés à la cour d’appel doivent être remis par la voie électronique".
  • "c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a retenu la validité de la remise au greffe de la requête établie sur support papier demandant au Premier président de la cour d’appel de fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité, et a, en conséquence, dit l’appel recevable".

II- La primauté de la vente parfaite sur la reconnaissance de dette

A- L'action paulienne de l'acquéreur

1- La règle applicable

Aux termes de l'article 1167 (devenu 1341-2) du Code civil les créanciers sont autorisés à attaquer, en leur nom personnel, les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Relevons le terme générique du législateur "le créancier" qui remplace le pluriel de l'ancienne disposition en vigueur au moment des faits.

Seul un créancier muni d'un titre exécutoire peut exercer l'action paulienne. Ce qui est le cas d'une décision de justice.

La question : la créance doit -elle répondre aux trois caractéristiques :  certaine, liquide et exigible ?

2- Les conditions de la procédure

Une créance liquide s'entend d'une créance évaluée ou évaluable. Elle est exigible quand elle peut être immédiatement demandée.

  • "il suffit, pour l'exercice de l'action paulienne, que le créancier justifie d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude" Cass 2civ 15 janvier 2015 n° 13-21174

Le juge de l'exécution a vérifié le titre exécutoire constatant la créance liquide et exigible comme il se doit.

Il s'agissait en l'espèce d'un part d'un commandement de payer aux fins de saisie établi sur le fondement de la réitération de la reconnaissance de dette du 26 avril 2013 soit près de deux mois après la vente forcée résultant de la promesse de vente au bénéfice de la société Y et, d'autre part, de la décision antérieure de la Cour de vente constatant celle-ci.

Nul est besoin que le débiteur n'ait pas contesté l'existence de la créance censée être consacrée par le titre fondant la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière le visant.

Une créance certaine suffit nul est besoin qu'elle soit liquide.

  • Un acte en fraude des droits du créancier

La réitération de la reconnaissance de dette du 1° octobre 1999 par acte notarié portant affectation hypothécaire du bien immobilier au profit de M A deux mois après le prononcé de la vente forcée au profit de la société Y, soit quatorze ans après sa signature.

La société Y avait déjà consigné la somme correspondant au prix de la vente des sommes dues par la SCI C.

Les associés de celle-ci étaient unis à M A par des liens de parenté.

B- Les effets de l'action paulienne

1- La saisie directe du bien entre les mains du tiers détenteur

Par une décision du 30 mai 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation redéfinit les effets de l'action paulienne : 

Pour censurer l'arrêt de la Cour d'appel "qui ordonne le retour des biens donnés dans le patrimoine du débiteur" elle précise "que le succès de l'action paulienne a pour seul effet d'entraîner l'inopposabilité au créancier des actes affectés de fraude, lui permettant ainsi, dans la limite de sa créance d'opérer saisie entre les mains du donataire". 

Le créancier peut directement saisir les biens entre les mains du tiers sans attendre la réintégration des biens dans le patrimoine du débiteur (Cass 1civ 30 mai 2006 n° 02-13495 et voir aussi Cass 1 civ du 12 juillet 2006 n° 04-20161).

2- Une efficacité amoindri lors d'une seconde cession du bien cédé frauduleusement

Cass 1civ 15 janvier 2015 n° 13-21174

Le 4 mars 1999, un dirigeant se porte caution des engagements souscrits par sa société E envers la banque B qui cédera sa créance à la société A.

Le 7 janvier 2005, le dirigeant caution consent à son épouse E séparée de biens, ainsi qu'à leurs enfants FX et NX une donation-partage de ses droits sur un bien immobilier situé à Paris.

Le 28 décembre 2010, l'épouse E décède. Ses enfants lui succèdent. La société A assigne les héritiers aux fins d'inopposabilité à son égard de la donation-partage pour avoir consentie en fraude de ses droits.

Le 15 mai 2013, la Cour d'appel déclare la donation-partage inopposable à la société A. Les consort X forme un pourvoi en cassation.

Question : l'action paulienne est-elle subordonnée à l'existence d'une créance certaine et liquide au jour de l'acte argué de fraude ?

Par l'arrêt de rejet, la Cour de cassation estime qu'en diminuant frauduleusement le patrimoine de son débiteur, la donation-partage avait nui au droit du créancier poursuivant qui ne devait justifier que d'une créance certaine en son principe au moment de l'opération frauduleuse.

Elle poursuit en approuvant la Cour d'appel qui avait énoncé que l'inopposabilité paulienne autorise le créancier poursuivant, par décision de justice et dans la limite de sa créance, à échapper aux effets d'une aliénation opérée en fraude de ses droits, et relevé :

  • que la créance exigible de la société, bien supérieure au montant du cautionnement, résultait de la reconnaissance de dette établie par la société E 
  • que les donataires avaient cédé le bien immobilier après l'audience de plaidoiries de première instance, faisant ainsi ressortir leur participation à la fraude,

Les consorts x sont donc condamnés à payer à la société A une indemnité équivalente à l'engagement de la caution en réparation de son préjudice subi.

L'action paulienne et la remise de la requête au greffe de la Cour d'appel
Tag(s) : #droit obligation, #Procédure civile
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :