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Lorsque un squatteur prend possession de la propriété d'autrui de longues démarches administratives et judiciaires peuvent s'enchaîner avant de pouvoir réintégrer son domicile pour le propriétaire. En atteste cette situation relatée par les journaux locaux cet été.

Rappelons pour situer l'affaire la définition de la notion de "domicile" et la constitution de la violation de domicile :

  • "le domicile ne désigne pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu, qu'elle y habite ou non, où elle a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux " (Cass crim 26 février 1963 n° 62-90653).
  • La violation de domicile n'est constituée, dans les conditions prévues par l'article 226-4 du Code pénal, qu'autant qu'il y a eu une introduction dans un lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux, ce texte n'ayant pas pour objet de garantir d'une manière générale les propriétés immobilières contre une usurpation (Cass crim 22 janvier 1997 n° 95-81186).

Par ailleurs, l'article 38 de la Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale :

"En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure".

 

Les lecteurs Montpelliérains apprenaient qu'un squatteur, qui occupaient illégalement un logement, a porté plainte contre le propriétaire qui venait de fermer à clé la résidence pour violation de domicile. Ce dernier ayant aussi déposé une plainte.

Afin de constater l'infraction, la police se rend sur les lieux : le bien est effectivement habité illégalement depuis le 3 août 2018.

Pour autant, soumise à la Loi, elle ne peut expulser le sans titre.

Le squatteur fait valoir ses droits : occupation depuis plus de 48 h durée au-delà de laquelle le propriétaire ne peut plus réclamer son expulsion immédiate.

Effectivement :

  • "Le jeune homme a fourni des reçus de livraison de pizza pour justifier son occupation des lieux"
  • Le squatteur est entré sans effraction dans le logement. Une fenêtre ouverte l'ayant aidé à s'approprier le logement.

Pour rappel dans un délai de 48 heures suivant l'intrusion illicite, la police peut procéder à l'expulsion immédiate des squatteurs dans le cadre du flagrant délit (Art 53 CPP). Passé 48 heures, la police est juridiquement impuissante.

 

La jurisprudence avait établi que les forces de l’ordre n'étaient plus habilitées à intervenir au-delà de 48 h pour constater un flagrant délit. L'article 61 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution a entériné cette pratique :

"Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux. S'il s'agit de personnes non dénommées, l'acte est remis au parquet à toutes fins".

Pour autant, le délai de 48h est un délai d'usage. Aucun texte l'aborde.

 

Pourtant la LOI n° 2015-714 du 24 juin 2015 tendant à préciser l'infraction de violation de domicile a modifié l'article 226-4 du code pénal jugé trop permissif à l'égard des squatteurs :

Avant :

L'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Après :

L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Le maintien dans le domicile d'autrui à la suite de l'introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.

Création du délit de maintien dans le domicile ou vol de domicile ?

Aujourd'hui, le propriétaire qui occupe le logement squatté doit démontrer :

  • La voie de fait : l'effraction
  • L'occupation durable des lieux.

Ce qui devrait être aisé en l'espèce.

Par contre, si le propriétaire n'occupait pas le logement :

  • Application du délai de 48 heures.

En cas de dépassement, une décision de justice est indispensable pour procéder à l’expulsion des squatteurs. L’évacuation des squatteurs sera possible sans décision de justice si les propriétaires se sont manifestés avant le délai de 48 heures.

Que prévoit la Loi Évolution du Logement, de l'Aménagement et du Numérique (ELAN) ?

Aujourd'hui, l'art L412-1 du code de procédure civile d'exécution prévoit :

Si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.

Demain à la suite de deux amendements, cette disposition sera modifiée en prenant en compte la proposition suivante :

  • d'une part, à supprimer le bénéfice du délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et la mise en oeuvre effective de l'expulsion pour les personnes entrées par voie de fait dans le domicile d'autrui et,
  • d'autre part, à supprimer le bénéfice de la trêve hivernale pour ces squatters. 
Tag(s) : #Le droit administratif, #Procédure pénale, #Droit immobilier
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