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Décision n° 2018-742 QPC du 26 octobre 2018

QPC :  

Dispositions concernées : Article 132-23 al 1 et 2 du code pénal

  • En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l'extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle.
  • La durée de la période de sûreté est de la moitié de la peine ou, s'il s'agit d'une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, de dix-huit ans. La cour d'assises ou le tribunal peut toutefois, par décision spéciale, soit porter ces durées jusqu'aux deux tiers de la peine ou, s'il s'agit d'une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, jusqu'à vingt-deux ans, soit décider de réduire ces durées.

Question : Ces dispositions, "en ce qu'elles prévoient l'application automatique d'une période de sûreté en cas de condamnation à une peine ferme privative de liberté d'une durée au moins égale à dix ans pour les infractions spécialement prévues par la loi, porteraient-elles atteinte aux principes de nécessité et d'individualisation des peines" ?

Car en effet, le principe d'individualisation des peines irradie tant l’infraction que la peine et signifie que la punition ne doit en principe affecter que l’auteur de l’infraction.

Pour autant, les Sages de la rue Montpensier à Paris rappellent que la période de sûreté est une mesure d'exécution de la peine et peut varier en fonction des circonstances. Ce qui exclut toute inconstitutionnalité des dispositions concernées.

I- Le principe d'individualisation de la peine : Une adaptation à la personne condamnée

L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose :

"La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ... ".

Découlant de cette disposition le code pénal rajoute :

Art 121-1 cp "Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait". Sous certaines réserves, il n’existe pas de responsabilité du fait d’autrui et l’imputabilité subjective demeure essentielle à toute reconnaissance de culpabilité : un individu n’est coupable que s’il a commis, compris et voulu l’acte incriminé.

S’agissant de la peine, le principe de personnalité commande l’individualisation ou la personnalisation de la répression, art 132-24 "Les peines peuvent être personnalisées selon les modalités prévues à la présente section". Il s’agit d’adapter à la personne condamnée pour favoriser son insertion ou réinsertion. 

II- La période de sûreté : Une mesure d'exécution de la peine

Art 132-23 cp al 1

"En cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi, le condamné ne peut bénéficier, pendant une période de sûreté, des dispositions concernant la suspension ou le fractionnement de la peine, le placement à l'extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté et la libération conditionnelle".

La sages du "Palais royal" précisent que la période de sûreté :

  • "ne constitue pas une peine s'ajoutant à la peine principale, mais une mesure d'exécution de cette dernière, laquelle est expressément prononcée par le juge".
  • "ne s'applique de plein droit que si le juge a prononcé une peine privative de liberté, non assortie de sursis, supérieure ou égale à dix ans".
  • peut varier par décision spéciale de la juridiction de jugement en fonction des circonstances.

 

Ce principe d'individualisation de la peine peut apparaître comme contraire au principe de l’égalité de tous devant la loi car individualiser la peine, c’est l’inégaliser pour fautes égales.

Cependant, il faut bien prendre en compte le contexte et la particularité de l’individu, sa réalité pour faciliter l’effectivité voire l’efficacité de la répression. 

Ce pouvoir d’individualisation des peines a été élevé au rang des principes constitutionnels (DC n° 2005-520 du 22 juillet 2005) d’abord pour son rattachement au principe de nécessité des peines (art 8 DDHC) puis de manière autonome, pour finalement être inscrit en 2014 dans le code pénal, art 132-20 cp "Lorsqu'une infraction est punie d'une peine d'amende, la juridiction peut prononcer une amende d'un montant inférieur à celle qui est encourue. Le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction".

Tag(s) : #Procédure pénale
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