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Antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 2013, et particulièrement son art 60, la Belgique était le dernier membre de l'Union européenne à éviter de soumettre les prestations de l'avocat à la taxe sur la valeur ajoutée.

Depuis la décision du législateur belge d'abroger l'art 44§1 du code de la TVA entrée en vigueur au 1° janvier 2014, les prestations réalisées par les assujettis bénéficiant du titre d'avocat sont soumises à TVA. Dès lors, la suppression de l'exonération impose une imposition à hauteur de 21 % de la prestation intellectuelle.

Prix à payer pour se conformer à la commission européenne Barroso I et donc à la directive communautaire 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée. 

Dans le cadre d'un litige qui oppose l'Ordre des barreaux francophones et germanophones au conseil des ministres, conformément à l'art 267 TFUE, la Cour constitutionnelle de Belgique saisit la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation et la validation de la directive 2006/112/CE.

L'art 1°de ledit texte dispose "le principe du système commun de la TVA est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services"

L'art 9 précise deux notions l'assujetti et l'activité économique :

  • "Est considéré comme assujetti quiconque exerce, d'une façon indépendante et quel qu'en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité"
  • "Est considérée comme «activité économique» toute activité de producteur ... de prestataire de services, ... celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence".

Toutefois, son art 378 donne la possibilité aux Etats membres qui, au 1° janvier 1978, exonéraient les prestations de services avocats "de continuer à les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque Etat membre".

C'est l'un des arguments opposait par les requérants au rejet de l'application de la TVA complétait par la demande de confirmation de la compatibilité de la directive au regard des droits à un recours effectif et équitable des justiciable non bénéficiaire de l'aide juridictionnel dont la prestation effectuée par un avocat est assujettie à TVA.

Dans l'affirmative, l'absence de possibilité d'appliquer un taux réduit de TVA, le cas échéant selon que le justiciable qui ne bénéficie pas de l’aide juridique est ou non assujetti à la TVA, est-il compatible avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, combiné avec l’article 14 du PIDCP et avec l’article 6 de la CEDH, en ce que cet article reconnaît à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter et le droit à une aide juridictionnelle pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, lorsque cette aide est nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice ?

Pour la CJUE, il n'y pas lieu de constater que la protection conférée par le droit à un recours effectif ne s’étend pas à l’assujettissement des prestations de services des avocats à la TVA.

Cette décision est l'occation d'aborder l'assujettissement de la prestation d'avocat à la TVA par le droit communautaire exclu de la protection consacrée au droit d'accès à la justice.

I- L'assujettissement de la prestation d'avocat à la TVA

Les dispositions du code général des impôts instaurent une règlementation qui met à la charge du bénéficiaire de la prestation intellectuelle une taxe.

A- Une liberté du taux encadrée par le droit communautaire

1- Un taux à 20 % en France

Aux termes de l'art 96 de la directive 2006/112/CE, les Etats membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque Etat. Cette liberté est encadrée.

Les art 97 et s de la directive 2006/112/CE interdisent de porter le taux normal à un taux inférieur à 15 % (le taux réduit à moins de 5 % - Les annexes de la directive définissent les biens et prestations appropriés).

En France sous le régime du président Sarkozy, l'art 68 la loi de finances rectificative pour 2012 (n° 2012-1510 du 29 décembre 2012) a modifié l'art 278 du CGI "Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20 %" et non plus à 19.6 % auparavant. Ce qui a eu pour conséquence une répercussion sur la facturation à compter du 1° avril 2014 sous le régime du président Hollande.

L'art 296 CGi porte à 8.50 % le taux normal dans les départements de la Guadeloupe, Martinique et de la Réunion.

2- Opérations soumises à TVA

L'art 2 § 1 de ladite directive précise que cette soumission concerne les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

Cette disposition est reprise à l'art 259 du CGI qui énonce que le lieu de la prestation de service est situé en France :

  • Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France le siège de son activité économique (voir exception) ou un établissement stable auquel les services sont fournis.
  • Lorsque le preneur est une personne non assujetti (particulier), si le prestataire a établi en France le siège de son activité économique (voir même exception) ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ou a son domicile habituel en France.

B- Une différence de traitement entre les particuliers et les entreprises

1- Le droit à déductibilité de la TVA pour les entreprises

Comme le rappelait les requérants, l'art 168 de la directive européenne disposait que dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants de la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti.

L'art 271 du CGI précise qu'en principe le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable.

En d'autres termes, si l'entreprise bénéficie d'un droit à déduire la TVA imposée lors des honoraires d'avocat, les particuliers conservent cette taxe à leur charge sans pouvoir la déduire lors de la déclaration fiscale.

2- Le droit à exonération pour les opérations "d'intérêt général"

L'art 132 de ladite directive, chapitre "Exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général" prévoit que les Etats membres exonèrent "les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné".

Voir art 261 du CGI.

3- Le droit à une prestation de service à l'exportation sans TVA

L'art 259 B du CGI prévoit que par dérogation à l'art 259, le lieu de la prestation d'un conseiller est réputé ne pas se situer en France lorsqu'elle est fournie à une personne non assujettie (particulier) qui n'est pas établie ou n'a pas son domicile dans un Etat membre de l'Union Européenne.

Il en ressort que si la prestation est destinée à un étranger résidant hors UE, la facturation est HT par contre si la prestation intellectuelle est destinée à un résident de l'UE, la facturation est TTC.

II- Une surcharge conforme au regard du droit à un recours équitable au procès d'intérêt général

A- Malgré le protection par des Textes fondamentaux de l'accès à la justice 

1- La Charte des droits fondamentaux de l'UE

L'accès à la justice est reconnu comme un droit fondamental par de nombreux textes.

L'art 1er DUDH 1948 "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité".

Ainsi la Déclaration Universelle des droits de l'homme de 1948 proclame "Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi" (art 8).

L'art 1° de la Charte de l'UE déclare que "la dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégées".

C'est pourquoi, l'art 47 prévoit que toute personne dont les droits et libertés sont violés a droit à un recours effectif devant un tribunal. Sa cause doit pouvoir être entendue "équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial". Pour se faire, il doit pouvoir avoir la possibilité "de se faire conseiller, défendre et représenter".

2- La convention européenne des droits de l'Homme : procès équitable égalité

La Convention Européenne des droits de l'Homme "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles" (art 13). Rappelons que conformément à l'art 6§1, la justice doit être rendue avec équité et dans un délai raisonnable (CEDH 11 février 2010 MALET c FRANCE - 30 oct 2014 PALMERO c FRANCE n° 77362/11).

L’article 14 de la CEDH énonce : "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation."

Ces articles accompagnent l'art 6 §1relatif au droit à un procès équitable.

Le pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies du 16 décembre 1966 protège aussi en ses art 14 et 26.

Depuis 1996, notamment avec la décision n° 99-416 du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel considère que notre Constitution du 4 octobre 1958 interdit de porter des atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.
En conséquence, "aucun justiciable ne doit être empêché de défense ses droits par des difficultés financières" ("Vers une grande profession du droit" rapport au président de la République, ParisJ. M Darrois avril 2009).

B- Malgré une reconnaissance de l'intérêt général pour le respect de l'ordre public

1- L'aide juridictionnelle

Alors que l'Union européenne a dû attendre le Traité de Lisbonne de 2007 pour voir reconnaître valeur juridiquement contraignante de la Charte signée le 7 décembre 2000, conformément aux fonctions régaliennes de l'Etat, la France a créé, dès 1972, le dispositif d'aide juridictionnelle qui sera renforcé par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Pour la Charte, c'est l'art 47 al 3 de la Charte qui dispose "Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice".

Par la loi du 10 juillet 1991, le législateur français oblige en prévoyant que "l'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi" et poursuit "L'aide juridique est définie comme l'aide juridictionnelle, l'aide à l'accès au droit et l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles".

Des conditions de ressource sont exigées pour tous les justiciables de nationalité française, les ressortissants des Etats membres de l'EU et les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement et régulièrement en France.
Il résulte de l'art 42 de la loi de finances pour 2016 n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 que le demandeur doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à 1 000 € ou 1 500 € pour l'aide partielle (des correctifs peuvent s'appliquer notamment au regard des charges de famille).

2- Une prestation soumise à négociation pour les juges de l'Union européenne

Selon les requérant, la directive 2006/112/CE peut-elle être validée au regard du droit à un recours effectif et du principe de l’égalité des armes garantis à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ?

Car en effet, les justiciables, non bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ou assujetties à la TVA, se voient exclus de la possibilité de déduire cette charge. Ce qui pourrait entraver les démarches pour faire reconnaître leurs droits et libertés bafoués selon les seuils produits par les Etats membres pour pouvoir bénéficier d'une assistance financière.

CJUE affaire C-543/14 du 28 juillet 2016 :

"L’ampleur d’une éventuelle augmentation de ces honoraires est d’autant plus incertaine qu’est appliqué, en Belgique, un régime d’honoraires librement négociés. Dans le cadre d’un tel régime, fondé sur la concurrence entre les avocats, ces derniers sont amenés à prendre en compte la situation économique de leurs clients. En outre, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 85 de ses conclusions, selon la réglementation nationale pertinente, les honoraires des avocats sont censés respecter les limites résultant de l’exigence de juste modération.

Dès lors, aucune corrélation stricte, voire mécanique, ne peut être établie entre l’assujettissement à la TVA des prestations de services des avocats et une augmentation du prix de ces services.
En tout état de cause, le montant de TVA en cause au principal ne constituant pas, loin s’en faut, la fraction la plus importante des coûts afférents à une procédure judiciaire, il ne saurait être considéré que l’assujettissement des prestations de services des avocats à la TVA constitue, à lui seul, un obstacle insurmontable à l’accès à la justice ou qu’il rend l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union pratiquement impossible ou excessivement difficile. Dans ces conditions, le fait que cet assujettissement puisse éventuellement entraîner une augmentation de ces coûts ne saurait mettre en cause, au regard du droit à un recours effectif garanti à l’article 47 de la Charte, un tel assujettissement.
Dans l’hypothèse où les circonstances particulières d’un cas d’espèce donné impliqueraient que l’assujettissement des prestations de services des avocats à la TVA crée, à lui seul, un obstacle insurmontable à l’accès à la justice ou qu’il rend l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union pratiquement impossible ou excessivement difficile, il conviendrait d’en tenir compte par un aménagement approprié du droit à l’aide juridictionnelle, conformément à l’article 47, troisième alinéa, de la Charte.

 

Supplément :

Article 1635 bis P (et 963 CPC) "Il est institué un droit d'un montant de 225 € dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client soit par voie de timbres mobiles, soit par voie électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel.

Ce droit est perçu jusqu'au 31 décembre 2026".

 

 



 

Tag(s) : #Finances publiques
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